mardi 26 mars 2013

"DYNAMITE JACK" (de Jean Bastia, 1961)



En quelques mots : De France, Antoine Espérandieu arrive en Arizona pour faire fortune. Hélas son ami français est mort, tué par le redoutable Dynamite Jack, terreur de la région et fin tireur. Antoine, plein d'inconscience, se rend compte trop tard qu'il est l'exact sosie de Dynamite Jack et s'expose à de grands dangers ... et à l'amour de jolies femmes !

Le western français est un sous-genre qu'il serait bon d'étudier, ne serait-ce que pour rendre compte de la diversité insoupçonnée des productions, de Joe Hamman et Jean Durand à Fernand Reynaud et Robert Hossein. Fernandel s'y est aventuré, c'est le cas de le dire, plusieurs fois : avec La terreur de la pampa (Cammage, 1932) ou Ernest le rebelle (Christian-Jaque, 1938). Dynamite Jack, tourné au début des années 1960, quelques années avant les débuts réels du western européen, dont le spaghetti est le plus fameux, est tout de même le plus célèbre et le plus assumé. Le résultat est catastrophique, difficilement visible pour plusieurs raisons : la mise en scène de Jean Bastia est d'une lenteur insupportable, sans aucun rythme et réduit à néant toute tentative de gag (la longue scène de poker entre Fernandel et son double) ; les décors, trouvés en Camargue probablement, sonnent faux - un cactus dans chaque coin d'angle pour montrer qu'on est dans le Sud des Etats-Unis ne rend pas plus crédible cette histoire que les intérieurs de pacotille (quoique le saloon soit appréciable) ; Fernandel enfin n'est fait pas assez, étonnamment (!), pour sauver ce nanar de l'ennui total passées les vingt premières minutes. Son personnage de hors-la-loi laconique lui va mal et il faut une sacrée admiration pour oser aller au bout de cette histoire à rebondissements.



Avec un peu de bonne volonté, on peut quand même s'amuser - pour passer le temps du film - à noter les quelques références aux classiques du genre : un gunfight de saloon dans le noir, à la lueur des balles, rappelle (surement involontairement) Le Cavalier de la mort (De Toth, 1951), en moins bien ; le vieux personnage interprété avec entrain par Lucien Raimbourg peut évoquer le Stumpy/Brennan de Rio Bravo (Hawks, 1959). Mais le plus amusant est le caractère avant-gardiste de Dynamite Jack puisqu'il devance d'une année l'une des scènes les plus célèbres de l'histoire du western, le duel à trois de L'homme qui tua Liberty Valance (Ford, 1962) où celui qui tue le méchant n'est pas celui qu'on croit, appliquant ainsi avant l'heure la formule selon laquelle quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende.

lundi 25 mars 2013

Découvertes et coup de gueule !

Internet

Au gré de mes soirées, quand elles ne sont pas consacrées à la géographie ou l'Histoire, je peux découvrir quelques sites dignes d'intérêt. En témoigne le blog officiel des Amis de Jean Delannoy, consacré au célèbre réalisateur régulièrement mis à l'honneur sur L'âge d'or du Cinéma Français, qui vous offre de nombreuses informations sur l'actualité de l'association et continue à faire vivre la mémoire de Jean Delannoy, cinéaste un peu tombé en désuétude hélas.

Leurs liens m'informent également de l'existence d'un site officiel du Comité Jean Cocteau, largement documenté et qui peut même vous proposer des expertises sur demande. A visiter absolument !

Autre découverte, hélas plus triste, un site consacré à l'acteur Fransined, le frère méconnu de Fernandel, comme un hommage. Francis Contandin, qui est apparu dans une trentaine de films (jamais avec son frère) dont Borsalino (Deray, 1970), Jean de Florette (Berri, 1985) ou Le garçon sauvage (Delannoy, 1951), est, en effet, décédé à Marseille en octobre 2012 dans l'indifférence. Ceux qui l'ont connu ou qui voudrait lui rendre hommage peuvent aller sur le site Fransined.com

Le château de Louis de Funès est aujourd'hui presque aussi célèbre que son ancien illustre propriétaire et le petit village du Cellier, non loin de Nantes, accueille toujours beaucoup de visiteurs admirateurs de l'acteur. La preuve, j'y suis allé il y a quelques années ! Dans quelques temps, la commune possédera un Musée consacré à l'acteur comique, apparemment en lien avec la nature environnante, le théâtre, la danse, le jardinage ... Une interactivité appréciable qui se précise jour après jour. Pour les plus curieux, visitez le site officiel ou la page Facebook (pour les toutes dernières informations).

Un blog qui est partenaire de L'âge d'or du Cinéma Français depuis plusieurs mois mais dont je n'avais pas encore parlé dans un article, enfin. Sobrement intitulé Cinéma Français, il est un formidable agenda télévisé et vous rappelle quels films français passent à la télévision prochainement, avec un petit résumé et quelques informations techniques. Incontournable également. N'hésitez pas à rejoindre le groupe Facebook.

Livres

Qu'on se le dise, je n'ai rien contre Marilyn Monroe, bien au contraire, mais ce n'est plus possible. Plus les années passent, plus le nombre de monographies aussi barbantes qu'inutiles envahissent les rayons cinéma des grandes surfaces, déjà assez monotones dans leurs choix. Ce soir, pas moins de douze ouvrages sur la belle blonde, dans un centre Leclerc de Rennes ! Avec malice, je me suis toutefois permis de les cacher derrière une imposante biographie de Clint Eastwood par Patrick McGilligan. Que je ne puisse choisir un livre sur le cinéma français à mettre en avant est assez révélateur ... Un coup d'oeil au sommaire de l'ouvrage de Christophe Geudin et Jérémie Imbert, Les comédies à la française - 250 films incontournables du cinéma français ! est aberrant : deux pages seulement pour résumer le cinéma comique des années 1930 et 1940, une quinzaine pour les années 1950 - et n'espérez pas sortir des Fernandeleries. Tout juste un Mocky pourra probablement sembler intrépide, un rien underground, aux auteurs. Pauvres Georges Milton, Pauline Carton, Saturnin Fabre, Max Linder et autres Raymond Cordy, ils ne sont pas prêts de sortir de leur oubli. Le livre se contente d'accumuler les clichés, faisant la part belle à Louis de Funès et Bourvil, jusqu'à Dany Boon et Bienvenue chez les ch'tis. Pierre Richard se charge d'une courte préface assez révélatrice du reste : lui non plus n'a pas grand chose à dire de nouveau. 25€ le plat réchauffé, c'est cher.

Le petit Gabin illustré par l'exemple (Philippe Durant, Nouveau Monde) semble plus intéressant sur le principe, quoique là aussi assez limité dans les clichés. Il fait écho au Petit Audiard illustré par l'exemple (2011) du même auteur, ramassis insolent et inutile de bons mots de l'auteur (mieux vaut revoir les films ou reprendre l'ouvrage édité chez René Chateau, Audiard par Audiard). Une quinzaine d'euros à débourser pour un travail sans saveur. Une fois n'est pas coutume, je n'ai pas eu le temps de me faire un avis sur Fernandel, le rire aux larmes de André Ughetto dont le titre pompier ne me plaît guère, ni même sur Les grandes gueules du cinéma français (Philippe Lombard, 2012). Le sponsor Studio CinéLive de ce dernier me fait peur, je dois l'avouer ... Le Jean Renoir de Pascal Mérigeau est toujours en rayons, bien propre dans son papier d'emballage.

Je l'avais évoqué dans un article précédent, l'autobiographie de Roland Giraud (En toute liberté, 2013) propose quelques bons moments, dont l'un qui m'est cher, sa rencontre avec Pierre Fresnay. Je ne voudrais pas vous ôter le plaisir des deux pages consacrées à l'acteur et vous incite donc à cet achat.

mercredi 20 mars 2013

"MA POMME" (de Marc-Gilbert Sauvageon, 1950)



En quelques mots : Maurice Vallier, un clochard surnommé "Ma Pomme" vivote avec son ami Fricotard, chantant pour quelques pièces. Quand on lui apprend qu'il est l'héritier d'un lointain corsaire et propriétaire d'un trésor de plusieurs milliards, il ne s'emballe pas et demande à voir si les deux autres bénéficiaires méritent l'argent. D'attraction pour les bourgeois, le clochard devient l'objet de toutes les attentions.

Après Bal Cupidon (1949), Ma Pomme ... rassurez-vous, je ne commence pas une improbable intégrale de la courte carrière du réalisateur Marc-Gilbert Sauvageon, scénariste prolifique dans la quantité, passé metteur en scène le temps de cinq films entre 1949 et 1951. Il s'agit de hasard, comme souvent. Toutefois, ma volonté de retrouver Maurice Chevalier, que j'aime tant, au cinéma, était bien volontaire. J'avais eu en main le DVD de Ma Pomme il y a quelques mois et, découragé par des critiques massivement négatives, j'avais moi même oublié de le regarder. C'est à présent chose faite et je ne saurais dire si je regrette. Ceux qui ne considèrent Maurice de Paris que pour Gigi (Minnelli, 1958) ou Ariane (Wilder, 1957) seront cruellement déçus ; les autres, nostalgiques du petit gars de Ménilmuche, y trouveront leur "conte", pas jobard mais plaisant à condition de supporter de terribles longueurs et une mise en scène datée. C'est aussi une bonne occasion de retrouver d'excellents comédiens : la jolie Sophie Desmarets et son regard espiègle, sous exploitée hélas, tout comme Jane Marken, réduite à quelques scènes d'agonie. Raymond Bussières s'impose difficilement comme accordéoniste face à Maurice Chevalier ; le jeune Jacques Dynam interprète l'amoureux déçu de Claire / Véra Norman.



Ma Pomme est un film nostalgique : de la chanson éponyme, créée en 1936 et que Maurice Chevalier chantait déjà dans L'homme du jour (Duvivier, 1936) - que l'on entend à peine dans le film de Sauvageon, rageant ! De l'amour ensuite, qui nous offre cette fin très mélancolique, assez réussie même si elle est pompière ; le personnage de "Ma Pomme" lorgne un peu sur le rire aux larmes de Charlot, sans y parvenir.

Enfin, le film permet de s'interroger sur l'image du vagabond dans le cinéma français de l'après-guerre. "Ma Pomme" est antimilitariste, rejette la société de consommation, se moque de la politique et passe son temps à la belle étoile, à chanter. Vision idéaliste, idéalisée, d'une précarité qui, peut-être, faisait moins peur et d'une liberté que l'on sait parfaitement illusoire. Ce genre de films, et de personnages, ne pourrait plus exister aujourd'hui, et c'est probablement pourquoi il vieillit mal - c'est aussi ce qui fait son charme. Maurice Chevalier, difficilement crédible, apparaît pourtant l'interprète idéal pour cet emploi (comme Gabin dans Archimède le clochard, Grangier, 1959) qui n'est que déformation de l'image quasi mythique du titi parisien qui drague les souris aussi bien qu'il manie l'argot des faubourgs. Sur un trottoir, ce clochard aux yeux doux ... ça sent si bon la France !

mardi 19 mars 2013

"Je suis ministre, je ne sais rien faire !"

Jérôme Cahuzac, éphémère ministre du Budget, vient donc de tomber en disgrâce et d'être remplacé sur le champs dans ses fonctions. Cela ne vous rappelle rien ? Il y a quelques décennies déjà, Don Salluste, ministre incorruptible et adoré de son peuple, était injustement révoqué de la Cour du Roi d'Espagne. On se souvient tous, avec émotion, de l'instant où il apprit la triste réalité.



Extrait audio : "Qu'est-ce que j'ai fait ?!"


Certes, les choses se passent plus calmement aujourd'hui pour les ministres de la République et Mediapart a remplacé les enfants illégitimes, mais la folie des grandeurs est intacte ! A cette différence que les barbaresques ont les plus parfums plus chocolatés de la Suisse. Les époques passent, les méthodes restent. Et les répliques de garder leurs effets ...

Qu'est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre, je ne sais rien faire !


Bon anniversaire à ... Simone Renant (1911-2004)



Ce n'est pas la première fois que le hasard fait bien les choses et me permet d'évoquer une actrice ou un acteur juste après avoir vu un de ses films. Simone Renant ne fut jamais véritablement une star de cinéma mais elle a laissé son joli sourire et son tempérament affirmé dans plusieurs films : comtesse du Barry dans Les perles de la couronne (Guitry, 1937), maîtresse de Jean Marais dans Voyage sans espoir (Christian-Jaque, 1943), ange du Paradis dans La tentation de Barbizon (Stelli, 1946), elle forme un duo vedette par deux fois avec Pierre Blanchar dans Après l'amour (Tourneur, 1948) et Bal Cupidon (Sauvageon, 1949). Elle est encore tête d'affiche de Sans famille à la fin des années 1950, avec Pierre Brasseur, mais les rôles se font plus rares : Les liaisons dangereuses (Vadim, 1959), chanteuse dans L'homme de Rio (Broca, 1964) et enfin une apparition dans Trois hommes à abattre (Deray, 1980).

Son rôle le plus marquant reste probablement celui de Dora, la photographe du Quai des orfèvres (Clouzot, 1947), ange-gardien du couple Blier/Delair, prête à se dénoncer à leur place.

Née le 19 mars 1911 à Amiens, Simone Renant aurait fêté aujourd'hui ses 102 ans !


lundi 18 mars 2013

"BAL CUPIDON" (de Marc-Gilbert Sauvageon, 1949)



En quelques mots : Un vieil homme riche et malade est retrouvé assassiné dans le bureau du directeur d'un cabaret de nuit. Une jeune avocate, Isabelle, et un juge sont chargés de l'affaire. Pour mener l'enquête, le détective Flip est assurément le meilleur. Problème, Isabelle vient de le condamner à de la prison ferme pour conduite en état d'ivresse !

Charmante trouvaille de la collection Les films du collectionneur, Bal Cupidon (rebaptisé pour l'occasion par le distributeur Le bal de Cupidon) est une comédie policière très classique, menée avec charme et humour par un joli duo Pierre Blanchar - Simone Renant, le premier, souvent décrié pour son jeu monolithique et démodé, étant curieusement l'atout comique du film. Il incarne un personnage que l'on retrouve régulièrement dans le cinéma français et américain, le détective privé nonchalant, gentleman, farceur et cynique quand il faut l'être - et grand amateur de femmes, cela va sans dire (Dis donc, ça n'a pas l'air d'aller très fort tous les deux ! - Ça va on ne peut plus mal. Vous verrez que ça finira par un mariage !). Simone Renant, charmante à souhait, transforme petit à petit l'avocate froide et distante qu'elle est en belle femme débridée et aimante. Yves Vincent complète le casting, dans le rôle important mais ingrat du méchant patron de cabaret. En vieillard antipathique, Henri Crémieux est quasi invisible ; André Bervil s'en sort à peine mieux dans un rôle clef.

Bal Cupidon n'est pas un grand film oublié - la mise en scène de Marc-Gilbert Sauvageon est terriblement datée (insupportable séquence des témoins filmés à la suite en contre plongée), la musique de Jean Marion pas très originale, le début laborieux - mais il y a quelque chose de réjouissant à visionner cette comédie policière, à l'image de cette scène de bagarre générale dans le cabaret ou des répliques cinglantes de Pierre Blanchar. Un temps, on s'imagine même que ça va durer jusqu'au bout. Hélas, la fin retombe dans des travers de banalité que parviennent tout juste à sauver les fantaisies du couple vedette.


Bon anniversaire à ... Robert Lombard (1921-2003)



En plus de 40 ans de carrière, Robert Lombard s'est forgé une solide filmographie qu'il a marqué de sa présence en incarnant régulièrement des notables, des hommes de bonne situation. Héritier dans Le plaisir (Ophüls, 1951), il est le riche et faible mari de Annie Girardot dans L'homme aux clefs d'or (Joannon, 1956), l'agent immobilier à la recherche de Fernandel dans Le couturier de ces dames (Boyer, 1956), un contrôleur dans Les espions (Clouzot, 1957), un gendarme dans A pied, à cheval et en spoutnik (Dréville, 1958), l'avocat de Trois enfants dans le désordre (Joannon, 1966), l'homme qui n'est pas impressionné par l'hiberné dans Hibernatus (Molinaro, 1969) ou encore le patron inquiet de la Coquille d'or au début de L'aile ou la cuisse (Zidi, 1976). Ces quelques rôles célèbres n'empêchent pas Lombard de tourner un certain nombre de nanars avec Pécas, Girault ou Lang. Il termine sa carrière au cinéma dans Les morfalous (Verneuil, 1983).

Né le 18 mars 1921 à Le Raincy, Robert Lombard aurait fêté aujourd'hui ses 92 ans !


dimanche 17 mars 2013

Le monologue du Capitaine Fracasse (1943)

J'ai déjà eu l'occasion de parler longuement du chef d'oeuvre qu'est, à mon sens, Le Capitaine Fracasse de Abel Gance, réalisé en pleine Occupation, avec Fernand Gravey dans le rôle titre - et de sa fameuse scène de duel, inspiré dans le verbe par Cyrano de Bergerac de Edmond Rostand.



Le baron de Sigognac (F. Gravey) est amoureux d'une jolie femme ; hélas pour lui, il n'est pas le seul : le puissant duc de Vallombreuse (J. Weber) courtise aussi la belle Isabelle. Les deux hommes décident donc, en bons gentilshommes, de régler cette question par un duel - pourtant interdit par ordonnance royale. Dans un cimetière, magnifiquement éclairé par Nicolas Hayer, le spectateur assiste alors à une véritable joute verbale, très influencée par le panache de Cyrano de Bergerac (auquel il est fait référence), chorégraphiée comme un vrai duel de cape et d'épée. Un régal que je vous propose d'écouter sur ce blog, à défaut de pouvoir vous proposer la vidéo.

Extrait audio : "J'ai peur d'être en retard à mon enterrement !"




La partition de Arthur Honegger joue beaucoup pour la réussite de cette séquence, qu'on peut trouver un peu exagérée dans son déroulement, peut-être même dans l'intonation très théâtrale de Fernand Gravey. Il faut replacer ce duel dans le temps long du film, filmé entièrement comme la propre mise en scène de la vie d'un baron ruiné devenu comédien. Ainsi cette séquence a des accents oniriques, presque fantastiques, à l'instar d'une partie du film. C'est aussi un formidable hommage à la littérature de cape et d'épée - à Rostand, mais aussi à Paul Féval, la leçon d'escrime en plusieurs points n'étant pas sans rappeler Le Bossu.


samedi 16 mars 2013

"DU MOURON POUR LES PETITS OISEAUX" (de Marcel Carné, 1963)



En quelques mots : Armand Lodet est le propriétaire d'un petit immeuble dont il loue les appartements à des habitants et commerçants du quartier. Respecté et secret, son seul plaisir est de s'occuper de ses canaris. Mais derrière la belle façade, la réalité est différente : histoires de sexe et d'argent rythment la vie de cette communauté, et les réalités pourraient bien éclater au grand jour.

Ce film méconnu de Marcel Carné est assez mal considéré en général, ne rencontra pas le succès à sa sortie, déchaînant les critiques négatives, et se contente aujourd'hui de quelques bons avis isolés. Découvrir cette adaptation de Albert Simonin par Marcel Carné a quelque chose de réjouissant et j'aimerais réhabiliter cette petite comédie, certes sans prétention, mais bourrée de séquences très amusantes. L'idée même de retrouver à l'écran cette impressionnante bande de comédiens séduit et il ne faut pas longtemps au spectateur pour rentrer dans l'atmosphère de cet immeuble peuplé de petites gens trop ordinaires pour êtres honnêtes. De fait, le scénario - et les dialogues appréciables de Jacques Sigurd - est une déconstruction quasi burlesque des façades lisses des habitants : un boucher qui trompe sa femme avec une petite jeune, elle-même intéressée et idéaliste, sous les yeux d'une concierge antipathique qui soigne une vieille femme apparemment infirme, le tout chez un propriétaire cynique, riche et obsédé par ses petits oiseaux.

Marcel Carné n'avait rien tourné depuis Terrain Vague (1960) et s'était égaré dans plusieurs projets avortés. Ses films d'après-guerre marchaient moins bien, le public cherchant les ingrédients qui avaient fait le succès de ses grands films des années 1930 et 1940. Pour autant, Du mouron pour les petits oiseaux est bien un film de Marcel Carné, l'auteur. La Nouvelle Vague ne fut pas toujours tendre avec le réalisateur, lui reprochant peut-être une certaine forme d'académisme dans les histoires, la mise en scène, les thèmes. De fait, quand les jeunes loups des Cahiers du Cinéma s'intéressaient aux misères d'âme de la jeune bourgeoisie urbaine, Marcel Carné poursuivait son oeuvre du populaire, avec ce qui peut apparaître comme une suite d'Hôtel du Nord (1938) transposée dans les années 1960 et ses nouveautés : la jeunesse libérée, les femmes rebelles, la remise en question de l'autorité masculine. Carné et Sigurd semblent s'amuser de leur préoccupations nostalgiques : Vous retardez Monsieur Lodet, il est fini le temps de la concierge de papa ! s'exclame Suzanne Gabriello. Les maquereaux ne sont plus ce qu'ils étaient : Louis Jouvet avait de l'allure, Paul Meurisse héberge les flics.



Evidemment, le film n'a pas la force de son illustre prédécesseur mais la continuité est évidente. Marcel Carné, s'il succombe aux charmes de la jolie Dany Saval, s'entoure de fortes personnalités pour les rôles secondaires : Jean Richard en boucher adultère, Suzy Delair en commerçante qui aime les petits jeunes, Jeanne Fusier-Gir en vieille menteuse, Suzanne Gabriello en concierge grande gueule, Dominique Davray en tenancière, Pierre Mirat en patron de bistrot, Roland Lesaffre en fou mystique, Robert Dalban en flic roublard ; pour un peu, Paul Meurisse ferait pâle figure s'il n'était servi pas de magnifiques dialogues d'un cynisme qui lui sied plutôt bien - il faut voir sa première apparition dans le film, tordante.


On sait l'amour que je ne porte pas à la Nouvelle Vague et ce film, en contre pied total à la démarche de ceux qui voulurent révolutionner le cinéma, pourrait bien être un étendard de la Réaction - bien que le réalisateur s'offre le plaisir (à des fins commerciales ?) de faire jouer Danny Logan, le leader oublié, à tort, du groupe de rock'n'roll Les Pirates. On ne l'entend d'ailleurs pas beaucoup chanter et sa seule scène sensuelle est dynamitée par une Suzy Delair nymphomane. Quand elle voit arriver des jeunes caïds un peu branques, Dominique Davray, nostalgique, dit à un client : Tu tombes sur la nouvelle vague. J'ai connu les corses, les fritzs, les ricains ... tous des vrais hommes. Mais ça ... au premier coup de tampon, ça se débine ! Voudrais-je voir des références là où il n'y en a pas ?

vendredi 15 mars 2013

"FRANÇOIS 1er" (de Christian-Jaque, 1937)

En quelques mots : Honorin, simple acteur de fête foraine, est heureux de pouvoir enfin interpréter le rôle de ses rêves. Pour mieux s'y préparer, il demande à un ami hypnotiseur de l'envoyer à la Renaissance, au temps de François Ier. A Amboise, il est immédiatement mêlé à une affaire de coeur qui l'oblige à affronter en duel un seigneur. Accompagné de son fidèle petit Larousse, Honorin a le pouvoir de lire dans l'avenir.

Pour finir sur l'élection du nouveau pape François, un clin d'oeil évident, partagé sur la page Facebook du blog par les internautes fidèles, le film de Christian-Jaque intitulé sobrement et assez curieusement François 1er. Car si Fernandel s'envole bien vers la Renaissance française, il n'est que peu question au final du célèbre Roi mais plus de ses courtisans. J'avais un bon souvenir d'enfant de ce film en costumes et je me faisais une joie de terminer ma journée sur cette note nostalgique. Peut-être étais-je justement un peu trop conditionné pour ce nouveau visionnage ? Toujours est-il que ce François 1er m'a laissé un petit goût de déception. L'ouverture dans la fête foraine est poussive tout autant que l'arrivée du visiteur du temps dans le château du Roi de France - si ce n'est quelques mimiques de Fernandel ou sa façon si naturelle de demander à une nourrice du XVIè siècle Vous ne connaissez pas la foire du trône ou la fête à Neu-Neu ?

Les moments incontournables restent savoureux : la prédiction de l'avenir aux grands du royaume, des lapalissades de La Palice (dont l'injuste traitement de l'histoire populaire ne s'arrange pas avec ce film) et l'inévitable scène de torture avec la chèvre. Comme toujours, Fernandel vole toutes les scènes, y compris aux excellents René Génin, Alexandre Rignault et Alice Tissot, impuissants. Le reste ne manque pas de scènes trop longues ou datées (la scène de danse est interminable, le fantôme trop artificiel). Quitte à blasphémer, j'oserais dire que Le bon Roi Dagobert (Chevalier, 1963), dans un genre semblable, assume mieux l'anachronisme et laisse une meilleure part aux seconds rôles.


jeudi 14 mars 2013

Bon anniversaire à ... Robert Rollis (1921-2007)

Robert Rollis débuta sa carrière jeune dans des petits rôles de collégiens comme dans Les disparus de Saint-Agil (Christian-Jaque, 1938), Carrefour (Bernhardt, 1938) ou La fin du jour (Duvivier, 1939) avant de s'imposer comme un incontournable troisième couteau du cinéma français, le plus souvent dans des comédies. Groom dans le sérieux Justice est faite (Cayatte, 1950), l'Alibi dans Papa, maman, la bonne et moi ... (Le Chanois, 1954) et sa suite, Robert Rollis se spécialise chez les metteurs en scène de seconde zone, Berthomieu, Boisrond, Lefranc pour le plus grand plaisir du public.



De sa longue filmographie, on retient quelques petits rôles amusants : le soldat va-t-en-guerre de On a retrouvé la 7ème compagnie (Lamoureux, 1975), le marin étonné de voir son bateau troué dans Le petit baigneur (Dhéry, 1967), Marcel dans Les Gaspards (Tchernia, 1974), un soldat à vélo dans Week-end à Zuydcoote (Verneuil, 1964), un VRP dans Mélodie en sous-sol (Verneuil, 1963), un voyageur dans Signé Arsène Lupin (Robert, 1959) ou le coiffeur de La Belle américaine (Dhéry, 1961). Il fut aussi un récurent personnage de Thierry la Fronde.

Né le 14 mars 1921 à Épinal, Robert Rollis aurait fêté aujourd'hui ses 92 ans !

Une rue pour Albert Willemetz !

Je me rends compte avec effroi que j'ai oublié de souhaiter sur ce blog l'anniversaire de Albert Willemetz le 14 février dernier, alors que je m'étais rendu sur sa tombe quelques semaines auparavant, en même temps que sur celle de Maurice Chevalier, à Marnes-la-Coquette. Ce mélodiste de grand talent est certainement l'un des plus fameux de son époque et on lui doit des classiques tels que Sous les palétuviers (chantée par Pauline Carton dans Toi, c'est moi), Ah ! Si vous connaissiez ma poule !, Dans la vie faut pas s'en faire, Félicie aussi, Paris sera toujours Paris, Elle faisait du strip-tease, Valentine.


Il composa aussi plusieurs chansons pour des films, parfois tirés d'une de ses opérettes, comme Dédé (Guissart, 1934) avec Danielle Darrieux et Albert Préjean, Tout ça n'vaut pas l'amour (Tourneur, 1931) avec Jean Gabin ou Zouzou (Allégret, 1934) avec Joséphine Baker, Gabin et Viviane Romance.

Grand ami de Sacha Guitry, avec lequel il entretint une large correspondance, Albert Willemetz eu les honneurs du maître dans son film Bonne chance ! (1935) quand celui-ci, l'oeil malicieux, s'étonne d'un "Ah ? Déjà !" devant une rue au nom du compositeur dans un 21ème arrondissement imaginaire. Rue qui existe réellement à Paris depuis 1978 !

mercredi 13 mars 2013

Un nouveau souffle pour les catholiques ?

C'est la grande question de tous les journalistes à la suite de l'élection du Pape François Ier, originaire de l'Amérique latine. L'Eglise retrouvera-t-elle un nouveau souffle, un nouveau visage ? L'âge d'or du Cinéma Français, toujours présent en direct pour les grands évènements, a déjà quelques témoignages venus de la place Saint-Pierre, à Rome.



Max/André Pousse, fidèle serviteur de la Princesse dans Elle cause plus ... elle flingue ! (Audiard, 1972) a été le premier à reconnaître Jésus Christ parmi les hommes. Il était présent ce soir au Vatican et semblait ému, avec son baluchon sur l'épaule.



Le cardinal Michel Galabru se voyait pape lui aussi, mais il n'a pas été élu - bien qu'il fut un des premiers à visiter les quartiers les plus pauvres des environs de la capitale française, à se prosterner aux pieds de celui qu'il avait reconnu comme Jésus-Christ. La prochaine fois peut-être ?

Habemus Papam !



C'est dans la petite église de Brescello, inondée une fois de plus, que Don Camillo a suivi l'élection du nouveau Pape, François Ier. L'âge d'or du Cinéma Français avait pensé que l'inoubliable adversaire du communiste Peppone ferait un bon successeur de Saint-Pierre, le destin en a décidé autrement. Mais Don Camillo semble heureux, apaisé, de voir que le nouvel évêque de Rome se préoccupe des pauvres et des plus misérables. Don Camille a été en URSS, peut-être partira t-il bientôt en Argentine ...

mardi 12 mars 2013

Les plus belles ouvertures du cinéma français : Jean Marais dans "Les Chouans" (1947)



Les ouvertures des films de Henri Calef sont toujours soignées et offrent de beaux moments de cinéma. S'il n'est pas son meilleur film, Les Chouans (1947) permet, peut-être, toutefois au réalisateur de composer, avec son chef-opérateur Claude Renoir, l'une de ses plus belles séquences introductives. Au crépuscule, une petite barque arrive lentement sur une plage ; un occupant en descend en silence et regarde s'éloigner l'embarcation. En trois plans, on comprend qu'il s'agit de l'infiltration discrète d'un homme important. De fait, Jean Marais / Marquis de Montauran arrive d'Angleterre pour prendre la tête d'un réseau de Chouans. Le parallèle avec l'Occupation - bien plus manifeste par la suite - n'est plus à démontrer.

Toutefois la star du film se présente d'abord de dos, le regard fixé sur l'horizon (où l'on voit le Mont St-Michel, présent également en arrière-plan de La maison sous la mer (1948). D'abord seul, les pieds dans l'eau, éloigné de la caméra, solitaire devant la barque qui repart, Jean Marais dévoile son visage assuré dans une magnifique contre-plongée magnifiant le caractère décidé de celui qui doit être un chef. De trois-quart, le regard sombre et fixé vers l'avenir, comme un portrait princier - cette image construite que le spectateur doit avoir de lui au début du film, que les Chouans qui n'attendent qu'un chef doivent se faire de cet émigré. Lorsqu'il s'enfonce à pieds dans les terres de la Bretagne, on imagine cet homme replonger dans la clandestinité d'une guerre de l'ombre. Un bruit de ralliement. Les chouans l'attendent ...


dimanche 10 mars 2013

L'âge d'or du Cinéma Français ... très très chaud !



Peut-être vous souvient-il d'un article, pas si lointain, où je m'excusais à peine de titrer mon sujet "On veut voir le porno de Bourvil !" dans le but très opportuniste d'attirer les internautes qui ne se contentent que d'une seule recherche sur le net : sexe. Mon ami Alexandre Liéthard, ci-dessus en photo (qui ressemble beaucoup à Bernard Blier dans Elle boit pas, elle fume pas... je vous l'accorde), guichetier de son état et obsédé sexuel notoire, s'occupe tous les jours des statistiques de mon blog. Son dernier bilan est accablant ! Vous êtes de plus en plus nombreux à venir visiter mon blog - et à y revenir - ce dont je vous remercie ... MAIS ... les recherches qui aboutissent sur ces pages et les mots clefs correspondant ont de quoi faire sourire. Voici quelques recherches Google qui aboutissent sur L'âge d'or du Cinéma Français :

fessée déculottée - fessée - fessée actrice - porno âge - porno cinéma français - porno acteur français - porno fessée ... et un collector : fessée jean marais !

Vous remarquez aussi que l'article que vous avez le plus aimé est ... Une fessée déculottée pour Suzy Delair. Mon opportunisme sur l'article de Bourvil semble donc payer ! Et c'est à nouveau par pur intérêt que je consacre un article entièrement à ce phénomène. De là à ce que je rajoute le mot sexe dans une phrase juste par plaisir, il n'y a qu'à un pas ... que je n'oserai franchir. Mais vous devez surement vous demander ce que regarde notre ami Alexandre avec ce regard coquin ? Je vous le donne en mille ...


samedi 9 mars 2013

"LE MONOCLE NOIR" (de Georges Lautner, 1961)



En quelques mots : Dans un vieux château breton se tient une réunion secrète. Des partisans de l'ordre, nostalgiques du IIIe Reich, se retrouvent discrètement en l'honneur d'un compagnon de route de Hitler qui doit prendre la tête de leur réseau. Le vieux marquis, propriétaire de la demeure, accueille alors un allemand, un italien et un mystérieux aveugle au monocle noir. Mais il semblerait que des espions rôdent autour du château.

Le monocle noir est un des premiers films de Georges Lautner - son cinquième - et le premier volet de sa trilogie du Monocle, suivi de L'oeil du monocle (1962) et du Monocle rit jaune (1964), toujours avec Paul Meurisse. Ce premier opus s'ouvre par un avant-propos de Bernard Blier, qui demande au spectateur de ne pas prendre trop au sérieux cette histoire d'espionnage - la marque Lautner diront certains, le réalisateur ayant toujours mélangé avec bonheur la comédie et le drame. Dans ses mémoires (On aura tout vu, 2005), Georges Lautner raconte que le roman était inadaptable à l'écran (avec une scène d'avortement où le marquis breton faisait brûler le fœtus de sa fille dans la cheminée), ce dont était bien conscient l'auteur, le Colonel Rémy, célèbre résistant et écrivain à succès. Du livre d'origine, il ne reste que le titre, le château en Bretagne et le Monocle écrit-il avant d'ajouter Je me suis amusé à faire des scènes très influencées par Orson Welles. De fait, la mise en scène de Georges Lautner est travaillée, très fluide et propose un grand nombre de cadrages intéressants, notamment pour les séquences de poursuite dans les sous-terrains du château.



Mais ce qui fait vraiment toute la force de cette histoire d'espionnage, c'est l'épatant casting réuni par Georges Lautner : les femmes d'abord, de la magnifique Elga Andersen, qui n'est pas sans rappeler un autre charme venu de l'est (Maria Schell) à Catherine Sola en passant par la jeune Marie Dubois, dans un petit rôle sans intérêt, hélas ; Le monocle noir s'inscrit ensuite dans la tradition de ces films de casting, où les petits rôles volent la vedette aux têtes d'affiches : Jacques Marin et Albert Rémy sont formidablement utilisés, presque à contre emploi, le premier en espion, le second en jeune romantique (!) et, accompagnés de Jacques Dufilho en guide à l'accent rustique et Bernard Blier en commissaire, font jeu égal avec les stars que sont Paul Meurisse, impeccable de snobisme flegmatique, et Pierre Blanchar, dont c'est le dernier rôle à l'écran. On s'amuse beaucoup de penser que celui qui tourna des films en Allemagne dans les années 1930, s'exila pendant la guerre, résista, revint à Paris à la tête d'un comité d'épuration termine sa carrière en citant du Hitler, concluant sur un Ah ! Cher Adolf ! nostalgique.

Le monocle noir, rare en DVD (il a été édité chez Pathé) est une excellente petite comédie d'espionnage, moins caricaturale que Les Barbouzes (1964), peut-être moins drôle aussi, malgré quelques bons dialogues, et qui ne doit pas rester méconnue. Gros succès à sa sortie, Georges Lautner avoue que c'est le film qui lança définitivement sa carrière.

"UN GRAND PATRON" (de Yves Ciampi, 1951)



En quelques mots : Le professeur Louis Delage règne en maître, et en icône, sur le service chirurgical de l'hôpital Bichat à Paris. Admiré des uns pour ses réussites dans la greffe de reins, méprisé des autres pour les mêmes raisons, il est sur le point d'entrer à l'Académie de Médecine. Quand une de ses patientes décède suite à une opération, il héberge quelques jours son jeune petit-fils Albert ; dans le même temps, il est confronté à la crise de vocation de son filleul qu'il tente de former.

Je ne sais pas de quelle réputation jouit ce film à l'heure actuelle et quelle fut sa réception à sa sortie ; on peut lire sur internet qu'il fut un grand succès dans les salles, en 1951. Il faut avouer d'emblée que l'intrigue ne présage pas un film à caractère passionnel, les plus directs ne se dérangeraient pas pour dire que ça à l'air chiant ! Un visionnage ne leur donne pas raison mais je me demande bien qui pourrait trouver plaisir à s'en faire un film culte, sinon un jeune médecin en herbe, un rien sûr de lui, aussi antipathique et arriviste que le poulain du Patron qu'incarne Pierre Fresnay. Les autres étudiants en médecine, plus honnêtes dans leur choix disciplinaire, verraient peut-être même dans ce film une insulte à ce que doit représenter un médecin - homme de science avant tout, opérant pour servir, pour sauver, plus que pour briller en société. Un grand patron évoque assez justement cette embourgeoisement négatif d'une partie des grands médecins parisiens, qui portent aussi bien le rouge sur leurs bistouris qu'à leur boutonnière, et qui se parent autant de leurs interventions que d'articles publiés dans des revues scientifiques. Peut-être cette critique acerbe de la bourgeoisie des années 1950 - offrant une scène de bacchanale assez déconcertante sur le sens qu'elle veut lui donner - est-elle un peu erronée aujourd'hui ; et de fait offre un film poussiéreux.



Toutefois, les scènes sont percutantes - à l'image de cette chasse aux voix dans un cimetière, sur les cendres encore chaudes d'un Académicien, de ce jeune médecin fougueux qui ne pense qu'à devenir patron à la place du patron, de cette femme délaissée constamment en représentation mais qui ne peut aller au théâtre. Le jeune filleul, appelé à devenir un grand médecin, remet en cause sa vocation : il se verrait mieux peintre, un peu bohème. On sourit jaune de constater qu'aujourd'hui cette volonté de sortir des rangs fait presque figure de sacerdoce pour la bonne conscience d'une grande partie de la bourgeoisie française.

On regrette presque le personnage de Pierre Fresnay, parvenu mais désireux d'adopter des illusions plus nobiliaires que bourgeoises, dynastiques et ancrées dans des valeurs de classe - peut-être méprisables, mais honnêtes ; rôle à première vue étonnant d'un chirurgien brillant mais cynique pour l'acteur habitué à des compositions unilatérales. Pourtant, à bien y regarder, ce grand patron est honnête dans le rôle que lui impose la société et ses quelques instants désabusés sont peut-être des tentatives avortées de rébellion. Le scénario de Pierre Véry et Yves Ciampi (ce dernier se charge également de la mise en scène, très plate) est donc passionnant, quoique manquant un peu de dynamisme, mais fait figure d'arrêt sur image. Les films trop ancrés dans une époque vieillissent, à mon sens, souvent très mal : c'est le cas de La Marseillaise (Renoir, 1938) ou d'Un monde sans pitié (Rochant, 1989) plus récemment. C'est presque un documentaire, à l'instar de ces gros plans médicaux inutiles lors d'une opération du rein. Les sociologues seront convaincus, les historiens feront la fine bouche et les cinéphiles passeront sans se détourner. Hélas ...

A noter un petit rôle charmant pour la jeune Judith Magre qui débutait sa carrière au cinéma.

vendredi 8 mars 2013

Et la journée de la femme au cinéma ?

Je n'aime pas ce genre de journée dédiée à une catégorie d'individus - sinon, je vous le demande, à quand la journée du blogueur spécialisé dans le cinéma français ? Mais comme une partie de moi n'est pas trop réactionnaire, L'âge d'or du Cinéma Français se propose de se rappeler au bon souvenir de quelques femmes de caractère qui n'ont pas attendu Najat Vallaud-Belkacem pour s'affirmer face aux hommes.

Claire Maurier
Maman d'un jeune garçon turbulent dans Les 400 coups, la belle actrice s'impose comme une maîtresse femme face à Fernandel et Bourvil dans La cuisine au beurre (Grangier, 1963), menant à la baguette les deux hommes, d'abord ennemis. Loin de la gentille caissière du grand café que chante l'acteur marseillais !



Suzy Prim
Même si ce n'est pas son rôle habituel, Suzy Prim compose dans Les pépées font la loi (André, 1955) un personnage de femme gangster plutôt rare. Face à un jeune truand parisien un peu prétentieux, elle parvient à ses fins en pratiquant la torture au tisonnier !

"Il paraît que c'est bon pour la santé les pointes de feu ..."

Patricia Karim
Inoubliable femme du sergent-chef Chaudard, Patricia Karim est Suzanne dans La 7ème compagnie au clair de lune (Lamoureux, 1977). Pas très commode, peut-être même un peu autoritaire !



Dominique Davray
Quelle actrice merveilleuse ! Elle joua les femmes qui ne s'en laissaient pas compter et certaines compositions sont toujours cultes, de la prostituée des Tontons flingueurs jusqu'à ses prestations face à Louis de Funès, comme épouse dans Le Tatoué (La Patellière, 1968) ou comme religieuse dans Le gendarme en balade (Girault, 1970).

"Elle est forte celle-là !" / "Qu'est-ce que vous avez dit ?!"


Micha Bayard
Figure moins populaire que les autres, elle fut pourtant un de ces incarnations de la femme qui porte la culotte. Femme chez qui il pleut dans Le Cerveau (Oury, 1968), boutiquière dans La fiancée du pirate (Kaplan, 1969), elle campe une extraordinaire maîtresse femme dans Les compagnons de la marguerite (Mocky, 1966) face à Michel Serrault, dont l'abattage comique s'y brûle.



Claude Gensac
Épouse dévouée ? Certes. Épouse servile ? Nenni ! Face à son gendarme de mari, Claude Gensac fut autoritaire, persuasive, seule civile capable de donner des ordres à Cruchot ; dans Hibernatus (Molinaro, 1969), c'est même Madame qui possède la société et qui signe les chèques !

"Alors ?! Ça continue la fièvre du samedi soir ?"



Françoise Rosay
Autre femme à qui on ne la faisait pas, Françoise Rosay imposait dès son apparition une certaine autorité. Un des rôles les plus célèbres reste la tenancière de la terrifiante Auberge Rouge (Autant-Lara, 1951) qui n'hésite pas à tuer ses clients et à les enterrer dans le jardin !



Georgette Anys
Son plus grand rôle est légendaire : tenancière autoritaire, castratrice, d'un petit bistrot parisien, elle a la malchance de rencontrer Jean Gabin et Bourvil qui font la Traversée de Paris (Autant-Lara, 1956). Elle ne résiste toutefois pas à la puissance destructrice de Grandgil.



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